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« Un échec cuisant » : 30 ans après les accords de paix, le Cambodge s’enfonce dans la dictature

Le 23 octobre 1991, épuisées par deux décennies de guerre civile, les forces politiques cambodgiennes signent les accords de Paris, entérinant un processus de paix sous l’égide de l’ONU. Trente ans plus tard, le Cambodge vit sous un régime autoritaire dirigé depuis plus de trois décennies par le premier ministre Hun Sen.

Après deux décennies de guerre et le régime des Khmers rouges, responsable de la mort de près de deux millions de Cambodgiens entre 1975 à 1979, les forces politiques cambodgiennes entérinent un processus de paix sous l’égide de l’ONU et signent les accords de Paris le 23 octobre 1991. La paix revient alors au Cambodge : le premier ministre Hun Sen, déjà à la tête du pays, les partisans du roi Sihanouk (décédé en 2012) et les Khmers rouges s’entendent pour désarmer les factions, mettent en place un gouvernement provisoire et organisent des élections. L’aide internationale afflue et le petit royaume s’ouvre sur le monde.

Trente ans plus tard, les 17 millions de Cambodgiens vivent sous un régime autoritaire tenu par le premier ministre Hun Sen, 69 ans, qui se maintient au pouvoir depuis 37 ans, un quasi-record planétaire. « En matière de démocratie et de droits de l’Homme c’est un échec cuisant », a déploré à l’Agence France-Presse l’ex-ministre australien des affaires étrangères, Gareth Evans, l’un des architectes des accords de Paris à l’époque. « Le Cambodge est devenu une filiale à part entière de la Chine, ajoute-t-il, ce qui permet à Hun Sen de faire un pied de nez aux autres pays. »

Les sanctions commerciales imposées par l’Union européenne pour condamner la dérive toujours plus autoritaire du régime ne peuvent donc pas y changer grand-chose. Dans un rapport publié en avril sur le Cambodge, Amnesty International insiste sur l’effet dévastateur de la pandémie de Covid-19 : « Les autorités cambodgiennes se sont servies du coronavirus pour accentuer la répression », l’état d’urgence en vigueur leur conférant « un éventail de pouvoirs arbitraires et abusifs ». Depuis des années, journalistes, étudiants, activistes, ou avocats, qui s’expriment sur les réseaux sociaux pour dénoncer le pouvoir autoritaire du régime d’Hun Sen, sont régulièrement pris pour cibles.

Le Cambodge, une « colonie chinoise »

En août, un leader syndical a ainsi été condamné à deux ans de détention pour avoir accusé le gouvernement d’avoir empiété sur les terres d’agriculteurs cambodgiens en redéfinissant une ligne frontalière avec le Vietnam. Le célèbre écologiste Thun Ratha purge en ce moment une peine de 20 mois de prison après avoir dénoncé le développement urbain effréné de Phom Penh.

Aucun espace politique n’est laissé aux détracteurs d’Hun Sen depuis la dissolution en 2017 du principal mouvement d’opposition, le Parti du sauvetage national du Cambodge. Plus de 150 opposants, accusés de « trahison » pour avoir soutenu le retour dans le pays de Sam Rainsy, ex-chef de l’opposition en exil, sont jugés à huis clos. Certains risquent 30 ans de prison, d’autres ont fui le royaume et sont jugés en leur absence.

Réfugié à Paris, Sam Rainsy, exhorte la communauté internationale à agir pour faire enfin appliquer les accords de Paris et aller vers plus de démocratie. À ses yeux, l’enjeu ne se limite pas au seul peuple cambodgien. « Le Cambodge revêt une importance stratégique plus grande qu’auparavant étant donné son rôle pour l’expansionnisme de la Chine », ne cesse-t-il de souligner.

De fait, pour de nombreux spécialistes, le Cambodge est devenu une véritable « colonie chinoise » en Asie du Sud-Est. Un statut qui risque de s’enraciner encore à l’avenir, alors qu’Hun Sen se rêve en patriarche d’une dynastie en imposant son fils aîné Hun Manet comme son successeur.

Par Dorian Malovic – La croix – 23 octobre 2021

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